4) Sans son ? muette ?
A ce sujet, on peut évoquer ce que Albert Mayr appelle les "infra-musiques " (Diogène 122) citer sans nécessairement bien le comprendre, ce que dit Confucius à son sujet « la plus haute forme de musique ne s’adresse pas à l’oreille » [6] . On pense aussi à Cage, bien sûre. Et l'on pourait évoquer les cas, non rares de musiques « muettes », que Cage ne connaissait pas sans doute, et, tout autant de certains instruments de musique nécessaires au rituel, et cependant jamais joués. Proclamer l’autonomie du champ musical peut induire en erreur ; car, en tout état de cause, voir la musique comme un simple artefact culturel reviendrait à nier les propriétés physiques et naturelles du son. En amont, cette autonomie a pour limite les rapports étroits que la musique entretient avec l’acoustique. A contrario, on peut considérer que la notion d’ «acoustique musicale » est une aporie ou, tout au plus une commodité de langage, car on ne voit pas très bien ce qu’il y aurait de « musical » dans l’acoustique. L’acoustique ne peut être autre chose que de l’acoustique. Elle est une science qui se prononce sur les règles physiques et naturelles touchant à la production et à la propagation des ondes sonores. Elle peut être « psycho-acoustique » en effet, dès lors que la perception des signaux implique la dimension psychique et corporelle des sons, mais elle ne peut musicale sauf à prendre en compte des codes spécifiques, sémiotiques, langagiers ou musicaux (ou les trois à la fois) qui acceptent de nombreuses déclinaisons culturelles. Bref, au contraire de l’acoustique qui ne peut que se passer du champ musical pour être elle-même, la musique ne peut se passer de l’acoustique, hormis dans des cas très particuliers [7] .
Mais si l’autonomie du musical n’est pas absolue cela est aussi dû à la nature des sons, c’est-à-dire aux relations que ces derniers entretiennent avec le sujet, et que le sujet entretient avec eux. Cela revient à dire que la musique est donc d’essence symbolique – comme est symbolique toute forme qui « implique autre chose qu’elle-même ». Et ce caractère symbolique gagne à être considéré non comme un fait en soi, mais comme un projet. La musique n’est musique que dans la mesure elle relève d’une production symbolique ou qu’elle permet une écoute symbolique. Libre à chacun de la considérer comme telle ou non. En clair, cela signifie que la musique ne devient musique qu’au détriment de la dimension strictement physique du sonore. C’est de cela qu’ils tirent leur autonomie (ou pour mieux dire, leur autonomisation), en impliquant un un acte mental spécifique. Mais pour cela, il faut que la locomotive s’éloigne, si je puis dire. Qu’elle ne soit plus machine à propulser un train, mais machine à produire du son musical.